15/07/2021
Rencontre avec Jérôme Pouly, autour de « La Cuisine des Auteurs »
Mardi 13 juillet 2021, à quelques heures de son premier spectacle, à Serquigny, sur le territoire Bernay Terres de Normandie, nous avons rencontré Jérôme Pouly, sociétaire de la Comédie Française, qui nous parlé de lui et de son spectacle « La Cuisine des Auteurs ».
Jérôme Pouly, qui êtes-vous ?
Mon parcours est relativement simple. J’ai commencé par les cours Florent. Ensuite, je suis rentré à l’ENSAT pendant un an, puis au Conservatoire National de Paris, où je suis resté trois ans. Et ensuite, à la Comédie Française, où je suis depuis bientôt 25 ans.
Votre spectacle « La Cuisine des Auteurs » est original. Il mêle littérature et gastronomie. Racontez-nous comment vous est venue cette idée ?
Je pense que je suis arrivé à un âge et à un moment donné de mon parcours où j’avais envie d’un peu plus de liberté, d’audace, et de savoir où j’en étais, et qui j’étais, en tant que comédien. Parce que, autant à la fois je sais qui je suis en tant que comédien à la Comédie Française, mais à la Comédie Française, on est dans les ordres de l’Etat, tout est pensé, calibré, pour que l’acteur n’ait qu’une chose à faire, c’est penser à son métier. Donc moi, je voulais un peu me tester, voir si j’étais capable d’écrire, de créer un spectacle de bout en bout, de me mettre en scène, de le jouer. Et puis effectivement, cette façon un peu atypique… je pense que j’avais envie un peu de retrouver ces valeurs qui ont fait le théâtre de tréteaux, qui ont fait le début du théâtre, si je puis dire. Et notamment en m’inspirant du patron, Molière. Et donc partir en caravane, au milieu des territoires, où il y a une espèce de désert théâtral. Je ne voulais surtout pas être dans le circuit « théâtre ». Ça ne m’intéressait pas. J’avais très envie de me confronter à un public non initié, prêt à tout voir, à tout entendre, à tout découvrir, presque novice ou vierge. Et ça, c’est donc ce qui m’intéressait le plus, d’aller dans des petits villages, dans des petits endroits un peu reculés où les gens n’ont pas forcément accès au théâtre ou la culture. Ça n’a rien de prétentieux ni de désobligeant vis-à-vis de ce public-là, bien au contraire.
L’idée m’est venue parce que j’aime beaucoup cuisiner déjà. J’aime beaucoup manger. C’est une notion qui a toujours fait partie de ma vie, de ma famille. Chez mes parents, il y avait toujours une assiette pour le convive de dernière minute. Et donc moi j’ai toujours eu cette chose-là de dire : « il y a du théâtre pour tous, à n’importe quel moment et celui qui arrive en dernière minute sera toujours le bienvenu ». Et il y a cette notion d’envie, de partage. C’est en lisant le dictionnaire de cuisine d’Alexandre Dumas [NDLR : Le grand dictionnaire de cuisine, d’Alexandre Dumas] que m’est venue l’idée de combiner finalement les deux choses qui m’animent dans la vie : la cuisine et le théâtre. Et là, j’ai trouvé un vivier extraordinaire avec ce dictionnaire. Et puis je me suis rappelé des rôles que j’avais pu jouer, qui traitaient aussi de la gastronomie, de la faim, ou du plaisir de partager, de cette envie de partager. Je me suis dit que je ne pouvais me pas contenter que d’Alexandre Dumas. Il m’est donc venu évidement Victor Hugo, puis la plupart des grands auteurs du XIXème siècle, à savoir Beaudelaire, Balzac, Zola, même si je ne l’évoque pas dans la cuisine. Mais malgré tout, il a été présent dans mon esprit. Et puis de là, Rabelais, inévitablement. Et puis après Colette, Proust… Donc j’ai fait des allées et venues comme ça dans la littérature, qui m’ont permis de construire un spectacle parlant de gastronomie et du plaisir d’être ensemble, de cuisiner et de faire entendre à travers des grands textes de la littérature française tout ce plaisir qu’on peut avoir ensemble.
C’est un spectacle qui s’adresse à tout public ?
Alors franchement ça marche sur tous les publics. De 5 à 75 ans, voire plus. Ça fonctionne très très bien. Et même avec les enfants, parce que il y a un côté assez visuel. Parfois je suis dans un côté un peu burlesque. J’interagis beaucoup avec les gens. Donc il y a une grosse part d’improvisation. Ce qui fait que le spectacle ne se ressemble jamais d’une date à une autre même s’il a une structure commune. Enn fonction du public, de son nombre, de comment les gens réagissent… J’interfère beaucoup par rapport à ça. Donc quand il y a des enfants, je joue beaucoup avec les enfants. On fait des petits quizz sur les légumes que j’ai dans ma cagette. Puisque mon principe aussi c’est de mettre en valeur les produits locaux, de ne cuisiner que les produits locaux. Il y a un côté un petit peu partisan du bien manger et du circuit court dans ce spectacle. Ça c’était aussi une notion qui était très importante pour moi. Et donc d’aller à la rencontre de ces artisans et de ces producteurs qui nous font vivre tous les jours.
Vous avez rencontré un producteur avant la représentation ?
Je suis allé à la ferme des tilleuls. Et j’ai rencontré Julien. Et c’était très enrichissant, d’autant que lui, il a commencé il y a 4 ou 5 ans son exploitation. Il est parti de rien et il a tout créé. Donc c’est toujours assez magique de voir que de partir d’une terre en friche, que d’un seul coup on est en mesure de faire sortir des fruits et des légumes, goûteux en plus puisqu’ils sont bio. Il est dans une vraie démarche de respect de la terre, de la nature et des gens. Donc forcément ça marche. En discutant ensemble en regardant ce qu’il avait, je lui ai dit « tiens je vais te prendre des concombres, tiens je vais te prendre des courgettes… ». A chaque fois, c’est des rencontres d’une richesse absolument incroyable. Je n’ai jamais autant appris qu’en étant au contact de ces producteurs. Que ce soit pour la bière, pour les légumes, pour le vin, pour les fromages… On va à chaque fois à la rencontre des artisans. Ils sont présents à la fin de chaque représentation pour présenter eux-mêmes leurs produits au public. Comme un petit marché de producteurs, étroitement lié au spectacle puisque moi je ne cuisine que leurs produits à eux.
Qu’allez-vous cuisiner-vous ce soir ?
Alors ce soir, je vais cuisiner une compotée d’oignons au miel avec des petits légumes rôtis à la plancha : courgettes, navets. Parce qu’il y a un autre producteur que Julien qui devrait avoir des oignons. Et puis parce que ça fait partie à un moment donné du spectacle où je parle des oignons. Le miel parce qu’il y a une dame qui vient avec son miel. Le concombre et le fromage de chèvre puisque Julien apporte les concombres et on a une fromagère.
Quel plat détestiez-vous le plus quand vous étiez petit ?
Pour aller très très loin, je pense que c’est les tripes. Mais ça… quel enfant peut aimer les tripes ? Mais sinon, je n’étais pas particulièrement difficile.
Quel est votre plat préféré maintenant ?
Oh, il y en a tellement ! C’est compliqué mais je resterai assez traditionnel. Une bonne blanquette de veau. Ou un plat que j’adore, que ma mère fait très bien d’ailleurs, parce qu’il est très bourguignon, voire très dijonnais : c’est le poulet Gaston Gérard, qui est un poulet à la crème, à la moutarde et au vin blanc. Et au fromage, au Comté. On a tous les produits de Bourgogne réunis en un seul plat. Et ça, c’est un bonheur. C’est gratiné au four. C’est tout simplement délicieux.
Merci Jérôme Pouly. Un dernier mot ?
Venez nombreux ! Plus on est de fous et plus on mange !